HELLO 2021
Travail de diplôme
Formation supérieure en photographie, CEPV
Avril 2020, le monde est plongé dans la pandémie. Alors que certains secteurs économiques sombrent dans la faillite et que la moitié de la population mondiale est confinée, les sites internet de webcams, eux, enregistrent une hausse massive d’usagers. C’est le cas notamment des plateformes spécialisées dans le voyeurisme numérique ou celles qui proposent ce que l’on appelle des camgirls. Sur ces sites spécialisés, des milliers de caméras, tournant parfois dans le vide, proposent aux visiteurs des rendez-vous personnalisés où des femmes, le plus souvent, exhibent leur corps ou s’exposent dans des pratiques sexuelles les plus diverses. À distance, par l’entremise de la webcam, les clients, généralement masculins, payent afin d’avoir accès à ces dévoilements.
En partant de ce constat, et dans le contexte particulier d’un monde où les relations virtuelles étaient devenues la norme, j’ai commencé à fréquenter ces plateformes particulières et remarqué que ces systèmes d’observation fonctionnent en continu, laissant apparaître des temps morts, des scènes vides où aucun spectacle érotique ou pornographique ne se déroule. On y découvre des décors abandonnés et j’ai été frappée par la singularité de ces lieux et touchée d’entrer dans l’intimité de certaines de ces femmes, lorsqu’elles sont endormies, ou lors d’un échange avec l’une d’entre elle qui s’est effondrée en sanglots devant moi.
En se connectant à ces plateformes, on peut rencontrer les performeuses de manière anonyme, discuter avec elles et cela aussi longtemps qu’un client ne l’interrompt pas par une demande de rendez-vous privé. Mes images parlent de ces instants. On y voit, par exemple, des chambres, des salons ou un jardin, tous totalement vides. Par la capture d’images fixes, je fige ces instants d’attente, sorte de contradiction avec l’univers du porno, qui est lui constamment regardé en direct. Ces temps morts sont bel et bien les seuls instants où rien n’est simulé.
L’agrandissement de ces captures d’écran dépourvues de qualités esthétiques permet par le flou de faire apparaître des taches et des amas de couleurs, perceptibles uniquement lorsque l’on garde une distance proche avec l’image. La taille des images et le cadre qui les entoure renvoient à une approche picturale de la photographie. Le spectateur est alors invité à les contempler autant de temps qu’il le souhaite, pouvant ainsi observer leurs moindres détails. Si la photographie est le reflet de soi- même, je voudrais que le spectateur se confronte à cette vision de la solitude, sorte de reflet, peut-être de son propre isolement.